dimanche 29 octobre 2000

Quelques photos en vrac...


L'innocence qui précède le départ...



Les premiers kilomètres au milieu des champs de cannes à sucres



Traversée d'une cascade dans Mafate

La descente sur Mare à Boue est ponctuée d'échèles



Des paysages à couper le souffle...



La montée du ralentisseur de Sainte Thérèse...



Encore les tites échèles... quand on aime, on ne compte pas.



Au coeur de la foret primaire...


Humm, des rondins...



Les descentes, aussi abruptes que les montées.

La fameuse légende de l'Os de poulet...


Séance de vérification des pieds...



Le plateau du volcan se prête bien aux séances photos




Plaisir d'être en "haut"


Enfin une portion roulante !


La terrible descente vers Cilaos





Lever de soleil au col des Boeufs





Dernier moment de repos


La délivrance après 43 heures et 57 minutes…


Le premier repas civilisé, après l'arrivée.


Le repos du guerrier.

vendredi 27 octobre 2000

Vendredi 27/10/2000



Vendredi 27/10/2000

1h30, les quelques heures de sommeil gagnées nous seront certainement précieuse par la suite. Pour l'heure, il s'agit de se lever, de déjeuner (encore des pâtes pour certain), puis de rejoindre la ligne de départ.


La plupart du récit qui suit est la transcription d'un enregistrement fait au dictaphone pendant la course. Compte tenu de quelques (rares) moments de déprime et de sérieux moments de doute, tout n'a pas été retranscrit mot à mot. Ce ne sont donc que des extraits. Dans ces extraits retranscrits, je n'ai pas pu faire passer l'émotion de la dictée en pleine ascension ou encore en pleine descente au petit trot… Ces textes sont en italiques. Les autres textes sont le fruit de mon inaltérable souvenir au cours de cette course contre la montre.




03h30 : …nous sommes à ½ heure du départ… on ne peut maintenant plus vraiment reculer. Pas trop de tension, nous ne savons pas encore ou l'on va… on sait qu'on va beaucoup marcher, que ca va durer longtemps, et qu'il va falloir gérer le sommeil et le mal aux pieds… c'est ca qui va être le plus difficile… 3h59 : Départ dans une minute… ca rigole un peu moins… 10..9..8..7..6..5..4..3..2..1..0 C'est parti pour 60 heures maxi… je lance mon compte à rebours….à plus tard d'ici une heure ou deux…

5h15 : Ca fait maintenant une heure et quart… on ne fait que monter. Nous somme au milieu d'un long serpentin qui monte doucement à travers un champs de cannes à sucre. Le jour commence doucement à se lever, derrière moi on voit l'océan indien que nous allons quitter pour le retrouver au nord de l'île. Les gens ne font pas trop les malins comme au départ d'une course de 10 ou 20 kilomètres… respect pour tous.

7h28 : Nous arrivons en haut de quelque chose… nous
faisons maintenant face à un obstacle qui provoque un bouchon digne d'un jour de grève dans le RER… on ne passe qu'un par un et il reste une centaine de personne. C'est aussi l'occasion pour nous de se reposer un peu. Nous n'avons pas encore eu beaucoup l'occasion de nous reposer.

9h00 : 5 heures que nous sommes pa
rtis… ca monte toujours… je pense avoir des soucis avec l'altitude… nous devons être proche de 2000 m d'altitude…

9h52 : Le moment vient d'être immortalisé… nous passons devant le Piton de la fournaise qui est actuellement en éruption… nous entendons gronder le volcan… c'est vraiment très joli… je profite du terrain pour courir un peu…

10h30 : Nous arrivons au petit trot sur ce qui ressemble à une caravane du désert… nous sommes maintenant dans une plaine complètement désertique… il y a maintenant 200 voitures, des tentes… on va pouvoir se désaltérer, manger, se déchausser, compter les ampoules… on arrive à 25 kilomètres…. Fin de l'épreuve du Miniraid… reste plus que 100 pour nous. On ne va pas compter le temps, il faut que nous repartions en pleine forme.

11h15 : Nous avons quitté le ravitaillement il y a environ 20 minutes. Nous courrons au petit trot sur un plateau désertique. Le paysage est lunaire. De temps en temps un nuage nous enveloppe et nous rappelle que nous sommes en altitude. Nous sommes face maintenant à un mur… Nos amis les belges de la course du Cœur appellent cela un ralentisseur.
11h58 : Ca fait maintenant 8 heures que nous tournons… nous sommes sur un plateau caillouteux. Sans doute au plus haut que l'on puisse être. Et maintenant on descend en pente douce. Nous croisons des routes d'où nous sommes encouragés par nos prénoms.. c'est réconfortant… j'essaye de trottiner partout quand ça roule, sinon, quand ça descend, on assure.

12h33 : Oup là… pas facile de parler en même temps que de courir… il faut sans cesse assurer le placement des pieds… Christophe et Jean Luc viennent de me lâcher. Je vais maintenant finir en solo.. comme j'aime. Il reste sans doute 90 kilomètres…. Ca fait 8 h ½ que l'on tourne… je pense en avoir encore pour une quarantaine d'heures.


13h16 : Nous sommes redescendu en plaine. Il fait une chaleur à crever. Nous sommes maintenant en train de cuire à petit feu… Le mélange de menthe, de Coca et d'eau contenu dans mon " Camelbak "me désaltère comme il faut… seul défaut du système, ce doux mélange est actuellement à la température ambiante de mon dos… c'est à dire une trentaine de degrés…

13h29 : Je viens de retrouver mes deux copains. Le terrain m'a permis de dérouler tranquillement et de les rattraper.

16h30 : C'est l'enfer… j'y arrive plus…. On est partis pour faire 1500 mètres d'ascension, j'ai pas assez mangé, je me suis déjà arrété 3 fois… Christophe derrière, Jean Luc devant, je
sais pas si j'aurais assez de quoi tenir à boire… j'ai merdé… ca se mérite… ca redescend un peut mais c'est certainement pour mieux remonter… toute façon c'est toujours comme ca depuis le départ… il y a eu une partie roulante avant 14h00… j'ai cavalé un peu et j'ai pas assez mangé derrière… le paysage, j'en profite plus… c'est fini. Toute façon on est dans les nuages… On est passé sur des crètes de cimes… précipice à droite, précipice à gauche. C'est beau, mais c'est vertigineux… 1000 mètres à droites, autant à gauche. Je continue parce que je sais qu'au bout, il y a un ravitaillement… manger, boire…

17h21 :Le point de ravitaillement a été atteint… j'était liquide… quelques berlingots de laits concentrés et ca repart comme en 40…Nous attaquons enfin une descente… un peu raide vers Cilaos… Pas encore de chute à déplorer… pour l'instant, les pieds tiennent le coup, les chaussures tiennent le coup, les jambes tiennent un peu moins le coup… les premières sensations de crampes sont déjà apparues… A Cilaos, l'intérêt, c'est que ca marque la moitié du parcours… là, douches, massages, repas chaud et dodo pour ceux qui veulent… Cilaos, je devrais y être d'ici une heure et demi… c'est à dire environ 15 heure
s de course… Par contre, ici, et au début de la nuit, il ne faut pas hésiter à relacher environ 3 à 4 heures pour se reconstituer… Le temps n'est plus une préoccupation…. Il faut tenir maintenant et arriver.

18h33 : Cilaos…. On arrive au pointage… c'est une descente de m…. il pleut, il fait nuit… j'en ai plein le c.. !

18h45 : Fais C…. on est même pas arrivé, y'a encore une ½ heure de j'sais pas quoi !

21h40 : Finalement, nous venons de lever le camps… il fait nuit évidemment… à 3 ou 4 kilomètres de là, nous avons un ravitaillement perso organisé par des amis…

Samedi 28/11/2000

2h15 : Nous avons profité du ravitaillement pour faire un petit somme… nous partons maintenant à l'assaut d'une bosse qui devrait nous prendre 3 heures… 1000 mètres d'ascension.


3h15 : Ca fait plus d'une heure qu'on monte… je commence à sérieusement manquer de souffle, de force… la situation devient hallucinante… on rencontre des gens qui monte, mais aussi des gens qui redescendent alors qu'ils sont presque en haut… d'autre qui dorment epapillotés dans leurs couvertures de survies….
Je pense que le maximum des abandons se fait ce soir… sauf blessure ou accident, nous savons que nous irons au bout maintenant…

3h55 : Ca fait maintenant 24 heures… et on ne voit toujours pas le haut du col… J'en peut plus…. J'suis liquide… on me dit encore 20 minutes… mais à quel rythme ? là on ne fait pas plus d'un pas à la seconde… c'est lent… ca n'avance pas… on marche au rale
ntit, l'esprit est au ralenti, la nuit on n'y voit rien… juste notre faisceau lumineux accroché aux parois, c'est vertigineux.

4h05 : Le sommet est enfin touché. Nous y sommes. Je profite du ciel étoilé pour me faire expliquer ou se trouve la Croix du sud. C'est beau. Mais le froid ne nous laisse pas l'occasion de trop nous attarder… juste le temps de prendre une photo et nous redescendons à la seule lueur de notre frontale…

5h22 : nous quittons le refuge de Maffat ou nous nous sommes ravitaillés. La chaleur d'un petit déjeuné en compagnie d'une centaine d'autres aventuriers nous réconforte. Une cinquantaine d'autre n'ont pu résister à l'idée de dormir. Ils sont enchevétrés à même le sol dans leurs couvertures de survies. Le jour commente à faire son apparition.

12h00 : Nous quittons le dernier point de ravitaillement important de la course pour attaquer le final. Par flegme d'attendre et de nous laver, nous venons de faire l'impasse sur notre seconde possibilité e nous faire masser. Nous attaquons une ascension e 1150 mètres… dernière grosse difficulté pour laquelle je ne compte pas mettre moins de 3 heures compte tenu de ce que nous venons de réaliser.

16h30 : C'est enfin la fin… du moins je l'espère. A cours de souffle, à cours d'eau, j'arrive enfin en haut de la périlleuse ascension qui se termine par une longe accrochée à flanc de montagne. En haut nous trouvons de quoi nous désaltérer, manger…. Et un terrain roulant… nous en profitons pour forcer la marche...

21h00 : Nous cherchons maintenant notre dernier point de ravitaillement… il fait nuit, nous pensons peut être que nous arriverons vers les 22 heures à la Redoute, terme maintenant attendu de cette expédition…


23h50 : « Nous sommes cuits ». La descente qu'on nous avait annoncé pour une heure en durera 3. A celle ci se sont ajoutés les difficultés suivantes : Un genou en vrac, des lampes qui manquent (elles aussi d'énergies), un chemin pas vraiment roulant (pour changer), un Jean-Pierre (que nous avons pris en charge car à cours de lumière) en proie à des problèmes intestinaux….

Les jeux sont fait… nous sommes maintenant sur une route plate et nous apercevons le stade de La Redoute à 500 mètres… un mauvais plaisantin annonce qu'il faut d'abord faire le tour de la ville… qu'importe, nous n'avons jamais été si proche de la délivrance. L'occasion pour nous de se refaire une beauté… on met un T-shirt propre… et nous voici lancés à fond (dans les 6/7 km/H) sur la piste cendré du stade… 300 mètres ou nous oublions tout… Il est minuit, mais nous sommes encouragés comme il se doit… nous passons enfin sous l'arche ensemble... Samedi 28 octobre 2000 à 23h57 après 43 heures et 57 minutes de course quasi non stop.


mercredi 25 octobre 2000

SUR PLACE, L'AVANT COURSE

Deux jours, maintenant que nous sommes bercés dans une douce torpeur sous le tropique du Capricorne par 22° de latitude SUD.

Nous sommes maintenant la veille. Cette veillée est passée dans une maison proche du départ en compagnie d'une quinzaine de coureurs déjà aguerris à cette course. Tout va maintenant très vite. 16h30 est l'occasion de faire un dernier "goûter de pâtes ". La revue de matériel faite, nous devons maintenant nous préoccuper de dormir. Pas facile dans cette surprenante ambiance, mais nous y seront aidés par des Stilnox..

dimanche 1 octobre 2000

Objectif Lune.

Objectif Lune.

Une folle rumeur circulait parmi nous, les coureurs de l'ASCB, depuis déjà 2 ans. Un course existait, bien loin de chez nous à 10.000 KM de Paris, et dont les caractéristiques dépassaient tout ce qu'il était raisonnable d'envisager... 125 Kilomètres en une seule étape... 8100 m de dénivelé positif (sans doute autant en négatif).

C'était en 1999, quelque part entre Paris et La Plagne au cours d'une épreuve non moins formidable sur le plan humain et sportif… La Course du cœur. Cette course relie Paris et La Plagne en relais par équipe de 15 coureurs… tout cela est organisé par une association :
TRANS FORME, en vue de faire connaître et promouvoir le don d'organes en France et ailleurs. Une équipe est même constitué exclusivement de « transplantés »…

Cette course est donc une folie sur 4 jours, où quand les uns se lèvent, d'autres se couchent tandis que d'autres encore font une étape de liaison en voiture… Il faut faire les presque 800 km sur 4 jours sous le contrôle bienveillant des motards de la garde républicaine…

Bref, au bout de 2 jours, on ne sais plus qui est qui, où on habite et avec qui on boit au bar d'un hôtel…

Nous avions donc eu les premiers échos lors de notre première course du Coeur en 1998... Accoudé sur un comptoir de bar, un belge nous racontait son histoire... nous pensions certainement à ce moment que la bière le faisait exagérer.

Heureusement, il n'en était question que pour les autres... pas question même d'imaginer ce que cela pouvait représenter... nous, pauvres terriens qui nous plaignons de nos pieds endoloris après 10 ou 20 kilomètres.

Les aléas de la vie professionnelle ont fait que l'un d'entre nous, a quitté notre douillette région parisienne pour aller travailler... à la Réunion... précisément là où se tenait cette formidable épopée. Sans se vanter, notre intrépide ami sans doute sous l'effet dévastateur du "Rhum arrangé", se lança dans l'aventure.. Il la réussit brillamment en 34 heures et nous conta son histoire invraisemblable.

La seule lecture du récit ne pouvait nous laisser indifférents... Il l'a réussie, pourquoi pas nous ? Mais comment est-il possible de s'acclimater d'un pareil effort ? Nous a t il tout décrit ?

Autant de questions que seule la participation à cette course pouvait nous apporter la réponse... pourtant, il n'en était toujours pas question... L'idée avait bien germé d'aller voir notre ami Dominique pour passer quelques jours au soleil. Et puis l'un d'entre nous, toujours accoudé à un comptoir protesta :

" Moi, la Réunion, je connais déjà, alors.... par contre, si nous faisions le grand raid... "

De là, comme c'est souvent le cas, est parti une notion de surenchère: "chiche, pas chiche... " et la décision fut scellée par une signature sur le broc à bière... La décision était prise pour deux d'entre nous. Dans ces conditions, je ne fus pas long à décider. Quelques échanges de mèls avec la Réunion et les messages laconiques de notre ami : " ... tu verras, c'est moins traumatisant qu'un marathon à fond... ". Je ne savais pourtant pas ce qu'était un marathon à fond, mais c'est précisément cette phrase qui me fit basculer dans la folie. Je relevais alors le défi de dire, "et si les autres, pourquoi pas moi... ".

L'entraînement qui s'en est suivi fut un brin empirique, nous tentions d'aligner les kilomètres sac à dos et lampe frontale sur la tête tels des extraterrestres dans le froid et la nuit de la région parisienne... au rythme ou les kilomètres s'accumulaient, la date fatidique se rapprochait, et les encouragements de celui qui avait survécu ne faisaient pas que nous réconforter. La pression montait.